Débats et Opinions: "La CNC est un piège de Dramane Ouattara à l'opposition, qui s'est refermé sur lui-même", par Isaac Pierre Bangoret

Par IvoireBusiness - Débats et Opinions: "La CNC est un piège tendu par Dramane Ouattara à l'opposition, qui s'est refermé sur lui-même", par Isaac Pierre Bangoret.

La CNC lors de sa sortie officielle à Abidjan. Image d'archives.

LA CNC EST UN PIÈGE TENDU PAR DRAMANE OUATTARA À L’OPPOSITION IVOIRIENNE, QUI SE REFERME SUR SA PROPRE PERSONNE

Dans son article intitulé : «De nouvelles révélations de la DGSE montrent comment l’Elysée veut chasser Ouattara du pouvoir », Sévérine Blé indique le nom des précurseurs de la CNC: il s’agit de Mamadou Coulibaly et d’Essy Amara. La fébrilité du régime de Dramane Ouattara mise en exergue par l’arrestation de Joseph Titi Gnanhoua, le directeur de publication du quotidien : « Aujourd’hui » atteste, en effet, que les révélations publiées par ledit journal sont dignes de confiance. Un régime démocratique aurait vérifié la véracité des faits auprès de la DGSE, qui aurait porté plainte contre le directeur de publication si des informations erronées jetaient un discrédit sur leurs services. Il est utile de souligner que la fiabilité d’une source ne nous interdit pas de contester le contenu des informations véhiculées. Ce que se refuse de faire le régime de Dramane prêt à jeter, plutôt, en prison tous les Ivoiriens qui empruntent le chemin du droit, de la vérité, de la légitimité. Nous dirons, à juste titre, que le rapport de l’ambassadeur Jean Marc Simon qui prétend que le « lâchage de Dramane Ouattara » ne serait que la conséquence de « son manque de maîtrise de l’action politique qui se retrouverait subordonné à la réconciliation nationale » est, d’un point de vue des sciences politiques incorrect, parce que la gouvernance des ex-colonies françaises est régie par ce principe politique fondamental: « Diviser pour régner ». Réconcilier les Ivoiriens, les Africains, n’a jamais été la préoccupation de la métropole. C’est en aidant, justement, Dramane Ouattara à opposer le Nord au Sud de notre pays, les chrétiens aux musulmans que Sarkosy après Chirac a pu installer de force ce chef de guerre qui n’a pas été élu par les Ivoiriens au suffrage universel puisque nous ignorons jusqu’à ce jour qui de Gbagbo ou de Dramane a véritablement remporté les élections. « Le plus fort » s’est emparé du pouvoir d’État, et comme le dit le ministre Jean Jacques Béchio, nous en prenons simplement acte. Il faut donc rechercher ailleurs les causes du « lâchage » de Dramane Ouattara par la France ; il s’agit de l’unité des Ivoiriens autour de leur Constitution, qui exige, comme au Burkina Faso, le départ de Ouattara qui reste inéligible, selon l’article 35 de notre Loi fondamentale. L’Elysée a peur de voir éclater en Côte d’Ivoire non pas une guerre civile (ce que souhaiterait la France pour voter des résolutions à l’ONU), mais plutôt un soulèvement populaire susceptible de renverser le régime autocratique de Dramane Ouattara. Pour contourner la Constitution ivoirienne, et rendre désuet l’article 35, tout en élaborant éventuellement une sortie honorable à Dramane, un groupe de contact de l’Elysée a rencontré Mamadou Coulibaly, président de Lider et Essy Amara. « L’un parce qu’il oeuvrait à la mise en place d’une large coalition devenue plus tard CNC, coalition nationale pour le changement et l’autre (Essy Amara) parce qu’il fait partie, depuis toujours, des pacificateurs potentiels dont le pays aura nécessairement besoin. Car (précise le rapport) malgré les apparences et les discours lénifiants du pouvoir, la Côte d’Ivoire (rectifions en disant plutôt Dramane Ouattara) est dans l’impasse». Ces deux personnalités politiques (Coulibaly et Essy), selon ce rapport, sont donc envoyés par l’Elysée soit pour sauver le régime de Dramane Ouattara soit pour le substituer et faire ainsi barrage à deux groupes d’ivoiriens aux aspirations souverainistes ; les alliés de Gbagbo qui défendent des accords gagnant-gagnant (alors que selon Fanny Pigeaud les hommes politiques français ont du mal à parler avec leurs homologues africains d’égal à égal), et les dignes héritiers d’Houphouët Boigny réunis autour du premier ministre Banny qui refusent de céder l’héritage du Vieux à un imposteur qui les menace, selon Bédié, de mort. « Un 9 janvier 2015 » nous dit, en effet, Dapa Donatien dans son article intitulé : « Côte d’Ivoire – Non
Essy Amara n’est pas et ne sera pas politiquement isolé », un groupe de cadres et les planteurs conduits par M Douka Christophe ont choisi de faire la promotion de la candidature d’Essy Amara, qui approchera Coulibaly, en vue d’une alliance entre les deux candidats. Cette rencontre, souligne Dapa Donatien, marquera le point de départ de la création de la CNC. Du rapport de l’ambassadeur Marc Simon, nous apprenons, avec précision, que l’idée de cette coalition avait déjà germé au sein du parti Lider où militaient des alliés actuels d’Essy qui ont certainement su qu’il était le nouveau candidat de la métropole; le futur président susceptible d’être installé par la France, en cas de « vacance » de pouvoir sur pression de la rue. L’obstination de Mamadou Coulibaly à minimiser les débats relatifs au respect de l’article 35 indique, de manière implicite, qu’il n’est nullement en désaccord avec Dramane Ouattara, irrité, justement, par les discours sur son inéligibilité, sur une transition politique et le choix d’un autre candidat présidentiable au sein du RHDP. Dès la naissance de la CNC, ses précurseurs (Coulibaly et Essy) lancent, de manière subtile, un défi aux alliés de Gbagbo et de Banny, en posant des actes contraires aux visions politiques de ces derniers. Coulibaly se déclare candidat aux élections et choisit de lutter, en vue de la modification de l’article 35, de la limitation de l’âge des candidats, ce qui éliminerait automatiquement Gbagbo, le président du FPI de la course présidentielle. Essy Amara se présente, quant à lui, comme la quatrième personnalité politique capable de réconcilier les Ivoiriens parce que Gbagbo, Bédié et Ouattara ont failli à leur mission. Sa visite au prisonnier politique Gbagbo est une attitude diplomatique qui s’inscrit dans sa capacité à s’entretenir avec tous les acteurs de la crise. Candidat de la Communauté internationale, il voulait prendre la tête de la CNC et devenir ainsi le candidat de l’opposition qui aurait « vaincu » Ouattara dans les urnes, certain que ce dernier aurait été chassé du pouvoir par l’Elysée si la rue venait à se rebeller. Malgré tous ces obstacles, la sagesse politique de Gbagbo, de Banny et de leurs alliés les incitera à faire partie de la CNC; un acte politique courageux qui a changé profondément tout l’environnement politique ivoirien, et a eu un impact sur les prise de décision de l’Elysée désormais favorable au départ de Ouattara. Attirés dans une forteresse pour y être enfermés comme des prisonniers, Banny, Gbagbo et leurs alliés politiques ont pris possession de la forteresse : la CNC. Ouattara se trouve, dès cet instant, pris dans son propre piège puisque la CNC est devenue la machine politique de l’opposition ivoirienne qui viendra à bout de tous ses projets machiavéliques. Si Gbagbo, Banny et leurs alliés politiques refusaient de faire partie de la CNC (ce que souhaitaient Dramane et leurs adversaires politiques), ils auraient été politiquement « anéantis » parce que perçus comme des ennemis de la paix, de la réconciliation entre les Ivoiriens. La capacité de la CNC à mobiliser les Ivoiriens autour du respect de leur Constitution a fini par convaincre l’Elysée de l’amateurisme politique de Dramane Ouattara, qui méconnaît les réalités ivoiriennes. A la veille de la deuxième forte mobilisation de nos populations par la CNC, la fébrilité de Coulibaly, qui se verra contraint de refroidir l’ardeur de nos populations en évoquant l’ivoirité, un sujet qui divise, n’a fait que mettre en exergue la terreur qui s’est abattue sur le camp de ses alliés invisibles (Ouattara et la métropole). Essy Amara compte, quant à lui, rester désormais loin de la CNC, afin d’exploiter les « atouts » de Dramane, en s’affichant subtilement comme le candidat de la métropole, des musulmans, et l’espérance des populations de l’Est. Il pourra certainement compter sur l’appui d’Affi N’Guessan. Au sein de la CNC, les leaders politiques croient que les Ivoiriens sont assez mûrs pour se parler et aller à la réconciliation, avec l’appui d’organisations internationales neutres et non partisanes. Banny mérite donc notre soutien parce qu’une action collective est plus efficace qu’une action individuelle.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écivain)