Côte d'Ivoire: Charles Blé Goudé jugé pour crimes contre l'humanité

La Haye (IVOIREBUSINESS) - Charles Blé Goudé jugé pour crimes contre l'humanité.

L'Ivoirien Charles Blé Goudé comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI). Image d'archives.

La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé ce jeudi 11 décembre 2014, les charges contre Charles Blé Goudé:
"La Chambre préliminaire I de la CPI a confirmé quatre charges de crimes contre l'humanité à l'encontre de Charles Blé Goudé et l'a renvoyé en procès devant une chambre de première instance", a indiqué la Cour dans un communiqué.
La date du procès n'a pas encore été déterminée, et la défense pourrait encore interjeter appel de la décision.
Blé Goudé, président du congrès panafricain des jeunes patriotes (Cojep), mouvement politique pro-Gbagbo pacifique qui prône la non violence et le combat aux mains nues, est poursuivi pour son rôle présumé dans les violences ayant suivi l'élection présidentielle de 2010 qui a opposé le Président Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, actuel chef de l'Etat, qui avait refusé de reconnaître sa défaite, entrainant des violences qui ont fait quelque 3.000 morts, selon les chiffres de l'ONU.
Surnommé "le général de la rue" pour sa capacité à mobiliser les foules, Charles Blé Goudé doit répondre de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtre, viol, actes inhumains et persécution.
Il est accusé d'avoir "oeuvré étroitement avec Laurent Gbagbo et d'autres membres de son entourage immédiat" pour exécuter un plan commun dont le but était de conserver le pouvoir. Ce qu'il a toujours vigoureusement démenti.
Selon le bureau du procureur, des miliciens sous les ordres de M. Blé Goudé avaient tué, violé, brûlé vives et persécuté des centaines de personnes. Mais selon la défense, M. Blé Goudé n'a jamais donné un tel ordre contre les pro-Ouattara.
Bien au contraire, ce sont les miliciens et soldats pro-Ouattara qui se sont rendus coupables des pires crimes dont le plus emblématique est le massacre de 1000 membres de l'ethnie Wê à Duekoué fin mars 2011 par les rebelles des Forces nouvelles de Guillaume Soro rebaptisés FRCI, l'actuelle armée de Ouattara.
Ces mercenaires reconvertis FRCI se sont d'ailleurs soulevés il y a quelques jours pour exiger le paiement d'une prime de guerre de 5 millions de Fcfa par soldat (7500€) promis par Ouattara, en cas de renversement de Laurent Gbagbo.
M. Blé Goudé est poursuivi pour des faits liés à cinq événements "représentatifs" de ses crimes présumés, dont la répression sanglante de manifestations pro-Ouattara ou le bombardement à l'arme lourde du quartier densément peuplé de Yopougon, à Abidjan.
L'accusation le tient pour responsable d'au moins 184 meurtres, 38 viols, 126 actes inhumains et 348 persécutions.
Laurent Gbagbo, lui aussi poursuivi devant la CPI, affirme avoir été évincé en faveur de son rival Alassane Ouattara, et a dénoncé un complot qui aurait été mis sur pied par la France, l'ancienne puissance coloniale.
Concernant M. Blé Goudé, la CPI a indiqué avoir "soigneusement examiné tous les éléments de preuve soumis par les parties, qui comprenaient plus de 40.000 pages de preuves documentaires, y compris les déclarations de 134 témoins, et plus de 1.200 éléments audio et vidéo".
Il avait été arrêté en janvier 2013 au Ghana et extradé vers la Côte d'Ivoire voisine. Il avait finalement été transféré en mars 2014 vers La Haye.
Laurent Gbagbo est en détention à La Haye et sera jugé par la CPI en 2015 tandis que son épouse Simone, réclamée par la CPI, est détenue en Côte d'Ivoire.
Justice de vainqueurs
Aucun membre du camp Ouattara n'a encore été inquiété par la Cour, alimentant les allégations de justice à sens unique ou justice des vainqueurs.
La CPI poursuivant toujours sa politique de justice à sens unique, a sommé jeudi Abidjan de lui livrer l'ex-Première dame alors que les autorités ivoiriennes veulent la juger elles-mêmes.
Simone Gbagbo est soupçonnée par la CPI de crimes contre l'humanité. Surnommée la "Dame de fer", elle est inculpée par la justice ivoirienne d'"atteinte à la sûreté de l'Etat".
Abidjan, refusant de livrer Mme Gbagbo à la Cour pour la juger en Côte d'Ivoire, avait soulevé une "exception d'irrecevabilité" contestant la compétence de la CPI, qui ne peut poursuivre un suspect que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire.
Or, la CPI a estimé jeudi que les poursuites engagées en Côte d'Ivoire ne portent pas sur les mêmes accusations, rejetant dès lors l'exception d'irrecevabilité.

Michèle Laffont
Correspondante permanente aux Pays Bas avec agences