Affaire «Je suis candidat conformément au Code électoral » - Seri Gouagnon recadre Ouattara: « Vous n’êtes pas éligible selon l’article 35 ».« Le Conseil doit dire le droit comme en 2000 »

Par IvoireBusiness - Affaire Ouattara annonce «Je suis candidat conformément aux dispositions du Code électoral » - Seri Gouagnon, vice président du FPI, le recadre vertement: « Vous n’êtes pas éligible selon l’article 35 ».« Le Conseil doit dire le droit comme en 2000 ».

Alassane Ouattara lors du dépôt de sa candidature devant la CEI malgré son inéligibilité selon l'article 35 de la Constitution.

Au terme du dépôt de sa candidature le 05 août 2015 à la Cei, le Chef de l’Etat, Monsieur Alassane Ouattara a déclaré et je cite : «Je suis candidat à l’élection présidentielle de 2015, conformément aux dispositions du Code électoral, je suis venu déposer ma candidature, les pièces ont été reçues par le bureau de la Commission de la Cei qui m’a donné un récépissé qui confirme que les pièces sont celles requises par le Code électoral».
Par cette déclaration, le Chef de l’Etat, suscite l’intérêt de savoir quelles sont les prescriptions du Code électoral auquel il renvoie. Le Code électoral quoique d’origine référendaire est une loi, comme toute loi pour être intégrée à l’ordonnancement juridique de la Côte d’Ivoire, il doit être conforme à la Constitution qui est la norme juridique supérieure et fondamentale.
Aussi, occulter la référence à la Constitution dans sa déclaration de candidature devant la communauté nationale et internationale via la télévision, amène, dans un contexte où le débat sur l’éligibilité des candidats à l’inscription sur la liste des candidats à l’élection présidentielle est d’actualité, à s’interroger et à interroger le Conseil Constitutionnel sur la valeur juridique du renvoi au code électoral.
Par bonheur, le Conseil Constitutionnel est le juge des élections et tout aussi le juge de la constitutionalité des lois. C’est pour cela que sortant du formalisme stricto-sensu que les ivoiriens requérants demandent qu’il plaise à la Haute juridiction de façon principielle de se prononcer, dans le cadre de ses compétences de Juge de la constitutionnalité des lois sur : les relations entre le code électoral et la Constitution pour éclairer les citoyens qui ont un intérêt à la participation aux élections, en établissant le rapport entre la Constitution et la loi qui s’entend ici, le Code électoral. Et qu’il plaise au Conseil de répondre aux questions suivantes : Est-ce que le Code électoral peut déroger à la Constitution ou la contrarier ? Est-ce que le Code électoral peut substituer la Constitution, étant entendu qu’il ne s’agit pas de normes de valeur égale ?
Le disant tantôt, ‘’en sortant du formalisme stricto-sensu’’ car tout un chacun sait que la saisine du Conseil constitutionnel est restrictivement réservée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, aux députés dans une formation qualifiée et aux justiciables dans le cadre des procédures qui exigent que le Conseil clarifie la constitutionalité des textes applicables. Il convient de relever que le Conseil constitutionnel agissant dans le domaine juridictionnel a l’obligation, de motiver ses décisions surtout que les arrêts qu’il rend ou les avis qu’il donne sont insusceptibles de recours.
En tout état de cause, ils doivent être compris et acceptés par les citoyens pour qu’ils ne soient pas frappés du sceau de l’arbitraire. Mieux, le Conseil constitutionnel rend rarement des arrêts du fait de sa saisine restrictive et surtout qu’en matière électorale, il est tributaire de la périodicité du déroulement des élections (5 ans). Il doit adopter une démarche pédagogique pour rendre accessible sa démarche et son langage exotérique.
Pour se faire, il doit s’autosaisir des questions qui permettent d’éclairer ses décisions.
L’arrêt E0001-2000 du 06 octobre 2000, indique la voie à suivre dans la délivrance des sentences, car la Haute juridiction qu’elle constitue est une source importante de droit. Mieux, l’ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustement du Code électoral peut-elle avoir une existence juridique régulière, si sa prise qui intervient dans le domaine de la loi, n’est pas encadrée par une loi d’habilitation et une loi de ratification cela au regard de l’article 75-2 de la Constitution ?
Et quelle est la conséquence de l’absence des balises que constituent les lois d’habilitation et de ratification en ce qui concerne l’article 54 nouveau ici en cause ?
Le Président Alassane Ouattara avec insistance, dit qu’il faut respecter les institutions du pays. Pour ce faire, par son investiture, il a pris solennellement l’engagement devant la nation, de respecter scrupuleusement la Constitution et de la protéger parce que c’est d’elle que procèdent toutes les institutions.
Mieux, pendant la campagne électorale qui lui a permis de participer à l’élection présidentielle de 2010, il a promis de procéder à la révision de certaines dispositions de la Constitution pour mettre un terme à toute polémique, s’il est élu.
Les requérants et tous les observateurs de la vie politique sont surpris que le Chef de l’Etat, n’ait pas déféré à son engagement. Ne l’ayant pas fait, la Constitution dans sa configuration est restée en l’Etat. Qu’est-ce qui fonderait alors qu’elle ne soit pas appliquée ? Les réponses à ses différentes interrogations auraient l’effet pédagogique de situer le citoyen lambda sur le rôle du Conseil constitutionnel pour l’amener à bien appréhender le fait que ses décisions soient insusceptibles de recours.
La quête d’éléments de réponse est bien à propos pour prévenir les risques d’incompréhension. Car le Conseil constitutionnel nonobstant la solennité de sa saisine qui le protège contre la surabondance des saisines, a un devoir d’ordre public, d’ouvrir la compréhension de son rôle au peuple au service duquel, il est et doit demeurer. Car autant, par ses productions, il alimente la science juridique, autant il doit combler à propos les attentes des citoyens. Etant entendu que son langage, est exotérique et son approche difficile du fait de la protection que lui assure la loi.
C’est à lui de s’adapter et de se mettre au service de la population. Le disant, il est constant que l’on comprenne que les décisions qui émanent de lui, soient insusceptibles de recours, tel l’arrêt E 0001-2000 du 06 octobre 2000 qui a acquis force de chose jugée et qui fait partie de l’ordonnancement juridique de la Côte d’Ivoire. C’est une exigence à la fois de la Constitution, de justice et d’équité.
Aujourd’hui, quel que soit la volonté des individus, qu’ils aient appartenus à la Haute juridiction ou pas, ils ne peuvent contrevenir à la teneur dudit arrêt.
Et pourtant, nous sommes dans le monde des hommes avec ses vicissitudes, c’est pour cela, nonobstant la proximité des membres du Conseil constitutionnel indiquée pour chacun dans le tableau ci-dessous avec le Président de la République et/ ou sa famille pour uns et avec le Président Henri Konan Bédié du Pdci pour les autres. Il est constant de rappeler que la proximité avec l’ancien Président de la République du Président du Conseil constitutionnel d’alors a été le point de polarisation des critiques sur la crédibilité des délibérations et des décisions de l’institution.
Cependant, pour ma part, les personnalités choisies dans ce contexte, sont intrinsèquement compétentes, elles ont prêté serment et en mesure la portée et la valeur. Cela doit les incliner en formation de jugement de n’avoir comme seule boussole que la loi et la motivation des décisions conformément à la loi. Au de-là des hommes et des femmes qu’ils sont avec leur émotion, ils doivent le temps de leur rôle de juge avoir à l’esprit que leur attitude peut être un vecteur de paix, ou de désordre. Et alors s’interroger en toute conscience, si la proximité qui a influencé leur désignation doit être un élément qui doit influer ou altérer leur jugement.
Le président Francis Wodié dont l’on ne peut mettre objectivement en cause la notoriété dans le microcosme juridique a gouté à son totem en acceptant le poste de président du Conseil constitutionnel dans les conditions où il lui a été proposé.
Cela a suffi pour qu’il soit en bute à des difficultés dans l’accomplissement de sa mission de juge de la constitutionnalité des lois sans avoir sa propre décision de nomination devant lui comme le reflet d’un miroir qui lui renvoyait impitoyablement son image. Il a dû abdiquer, le courage lui ayant fait défaut. Quant à vous, vous avez à examiner l’article 54 nouveau de l’ordonnance n° 2008-133 Du 14 avril 2008 comme l’a énoncé le Président pour savoir s’il peut être considéré comme opérant et s’il peut se substituer à l’article 35 de la Constitution. Votre arrêt aura beaucoup d’implications, opportunistes en ce qui concernent les élections, et dommageables ou gratifiantes pour l’histoire, la formation de nos étudiants en droit, les observateurs de l’intérieur et de l’extérieur de l’intelligentsia ivoirienne. N’attendez donc pas une quelconque saisine de qui que ce soit, pour dire le droit comme cela a été le cas en 2000. Si par extraordinaire, vous n’osez pas, vous serez tout de même amené au forceps de vous prononcer là-dessus du fait de la saisine des candidats à l’élection présidentielle qui se seront conformés à l’article 35 de la Constitution, c’est une exigence d’égalité des candidats devant la loi.

Une contribution de Seri Gouagnon
Vice-président du Fpi